2018-05-28

Rapport de l’inspecteur général de la Ville de Montréal concernant le processus d’octroi de contrats dans le cadre de la course de Formule E, déposé le 28 mai 2018

Résumé

La Ville de Montréal n’a pas respecté le cadre législatif dans l’octroi du contrat de promotion et organisation de l’événement. L’OBNL « Montréal, c’est électrique » a été utilisé afin de contourner les règles d’octroi de contrats et n’était finalement qu'une courroie de transmission entre la Ville de Montréal et Evenko. Le cabinet du maire a agi de sorte que la Ville a, dans les faits, assumé des rôles et responsabilités incombant traditionnellement au promoteur local de la course. Il a été recommandé qu’un appel de proposition soit lancé dans les cas où la Ville initie et finance un événement d’envergure.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Ce rapport vise le processus suivi par la Ville pour l’octroi de contrat ainsi que le respect des règles contractuelles dans la tenue de l’événement de la Formule Électrique à Montréal, les 29 et 30 juillet 2017.

La Ville de Montréal a décidé de tenir une course de formule électrique (FE) dans le cadre de son 375e anniversaire.  Pour ce faire, une série de rencontres réunissant le maire de Montréal, d’autres employés de la Ville, un représentant d’Evenko, des représentants de Formule E Opérations et de la FIA ont eu lieu afin de finaliser le projet d’amener une course de formule électrique dans les rues de Montréal. Le tout débute en mars 2015 lors d’une course se tenant à Miami alors que le maire, accompagné de sa conseillère principale et du président de Tourisme Montréal, assiste à la course de Formule E et y rencontre les représentants de FEO pour entamer des discussions. 

À son retour de Miami, le maire demande au directeur général adjoint à l’arrondissement de Ville-Marie d’examiner la possibilité de faire une piste pour la course de Formule E avec pour échéance 2016, laquelle sera repoussée à l’été 2017.

Vu la nature de la course, certaines exigences particulières ont fait en sorte que l’événement ne pouvait pas se tenir au circuit Gilles Villeneuve, ainsi le centre-ville a été choisi comme emplacement. La course sera officieusement annoncée par le maire le 26 mai 2015 lors d’un point de presse.

Afin de s’acquitter de ses responsabilités, la Ville de Montréal a ensuite dû lancer plusieurs appels d’offres :

-appel d’offres VMP-16-023 pour le resurfaçage des routes lancé le 22 juin 2016, dont le contrat a été octroyé pour 4,4 millions de dollars;

-appel d’offres VMP-16-029 pour l’acquisition de murets de béton et d’éléments de protection lancé le 17 octobre 2016, dont le contrat a été octroyé pour 7,5 millions de dollars;

-appel d’offres VMP-16-030 pour le montage/démontage de la piste lancé le 9 octobre 2016, dont le contrat, d’une durée de 3 ans avec option de renouvellement pour 3 ans supplémentaires, a été octroyé au montant de 8,9 millions de dollars.

D’ailleurs l’inspecteur général a eu à se pencher sur certains de ces contrats. Dès l’été 2016, une dénonciation au bureau de l’inspecteur général a été portée concernant l’appel d’offres VMP-16-023 et une autre dénonciation survenue à l’automne 2016 portant sur l’appel d’offres VMP-16- 029. Après analyses et demandes de certaines précisions auprès des instances devant octroyer lesdits contrats, le processus a pu se poursuivre, car le tout était conforme aux règles contractuelles.

Quant à la promotion ainsi que l’organisation de l’événement, on verra dans le présent rapport que la Ville disposait de plusieurs options allant de la conclusion d’un contrat avec un promoteur privé à la création d’un OBNL. C’est à ce niveau que l’inspecteur général intervient dans ce rapport. L’inspecteur général est d’avis que la Ville n’a pas respecté le cadre législatif dans l’octroi du contrat de promotion et organisation de l’événement. Qui plus est, l’enquête démontre que le maire a personnellement contacté un promoteur privé, en l’occurrence Evenko, pour que ce dernier fasse partie du projet Formule E à Montréal et qu’il l’aide à en faire un grand succès.

Evenko participe aux rencontres avec la Ville de Montréal et FEO dès septembre 2015 pour la tenue de l’événement. Evenko signera même une entente de confidentialité requise par FEO dont l’inspecteur général a reçu copie.

Dès le départ, Evenko n’est pas certain que la Formule E rapporte des profits et est conscient que le concept sera difficile à vendre. Plusieurs analyses financières sont donc effectuées par Evenko et il en résulte que peu importe le scénario retenu, la Formule E sera largement déficitaire. Les chiffres avancés varient entre 11 millions et 20 millions de dollars de déficit pour chacune des 3 années. Ces analyses financières sont transmises à la conseillère principale du maire afin que le cabinet soit informé du risque associé à la tenue de la course. Evenko prend alors la décision de ne pas agir comme promoteur de l’événement.

Le maire et son cabinet sont toutefois confiants de l’octroi de subventions des gouvernements provincial et fédéral et insistent pour maintenir Evenko dans le projet.  Puisque légalement, de telles subventions ne peuvent être accordées qu’à un OBNL, le cabinet décide d’en créer un afin de faciliter le financement, et ce, avant même d’avoir quelconques confirmations du financement de la part des différents paliers de gouvernement.

À cet effet, le Service des affaires juridiques de la Ville a formulé, à de nombreuses reprises, des mises en garde au bureau du maire. Affirmant que si un OBNL était créé, celui-ci devait être indépendant de la Ville, avoir une mission plus large que la tenue de courses de Formule E et ne devait pas servir de simple courroie de transmission entre la Ville de Montréal et le promoteur ciblé. Aussi, la Ville ne pouvait se servir de l’OBNL pour faire transférer des subventions vers l’entreprise privée.

« Montréal, c’est électrique » (MCE) est l’OBNL qui est constitué le 14 octobre 2016, immatriculé auprès du registre des entreprises le 21 octobre 2016, avec pour mission de promouvoir les transports électriques et d’organiser la course de Formule E à Montréal. L’enquête révèle que toutes les activités de MCE se sont articulées autour de la Formule E et il appert que n’eut été de la course, MCE n’aurait vraisemblablement jamais été créé.

Le 21 octobre 2016, le maire tient une conférence de presse lors de laquelle il annonce que le Formule E se déroulera en circuit urbain. Ni le directeur général ni le président du conseil d’administration de MCE n’ont participé aux négociations du contrat les liant à FEO. Fait à noter, le président du conseil d’administration de MCE a été nommé en septembre 2016, alors que le directeur général a été embauché le 16 octobre 2016. 

Malgré les avis d’un membre du Service des affaires juridiques de la Ville, le cabinet du maire n’a pas alloué l’indépendance requise à l’OBNL qu’elle venait de créer. L’enquête démontre tout le contraire en ce sens que le cabinet du maire a gardé un contrôle sur les décisions de MCE, incluant la sélection de son directeur général et des membres du conseil d’Administration.

Le cabinet du maire s’est même occupé de préparer des lettres pour les demandes de subventions aux autres paliers gouvernementaux. Pour le reste des opérations quotidiennes, toutes les tâches inhérentes au rôle de promoteur seront réalisées par Evenko.

Un autre contrat important négocié en grande partie par le cabinet du maire et non par MCE est celui impliquant Evenko à titre de fournisseur du promoteur local responsable de l’organisation de l’événement avec MCE. Essentiellement, le contrat prévoit qu’Evenko sera chargé de la totalité des responsabilités ayant trait au volet gestion et organisation de la course.

Evenko vend donc les billets, gère les commandites, s’occupe de la programmation et de la production de tous les événements entourant la course, de la mise en marché, du marketing, de la promotion ainsi que des communications. En plus, Evenko est responsable de la commercialisation, des ventes, de la souscription aux polices d’assurance, de l’obtention des licences et permis ainsi que toute autre autorisation requise pour la tenue de l’événement.

Tous les frais de gestion sont facturés à MCE. Le contrat prévoit un montant de 2 millions de dollars en frais de gestion, un boni de 500 000$, un pourcentage de 20% sur les commandites. À ces frais est aussi ajouté la refacturation du salaire de 3 employés embauchés spécifiquement par Evenko pour la Formule E.

Tel que déclaré par Evenko : « MCE n’était qu’une organisation d’un employé qui avait besoin d’une machine pour faire la promotion ».

MCE a cessé ses activités le 5 février 2018. 

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Rapport de l’inspecteur général de la Ville de Montréal concernant le processus d’octroi de contrats dans le cadre de la course de Formule E, déposé le 28 mai 2018