2019-01-28

Rapport de recommandations concernant l’agrandissement et le réaménagement de la bibliothèque de Pierrefonds (appel d’offres 5887), déposé le 28 janvier 2019

Résumé

L’entrepreneur Construction Lavacon inc. a conclu avec des sous-traitants une entente par laquelle ils s’engageaient à lui remettre un escompte sur la valeur de leurs travaux pour chaque directive de changement. Ces ententes ont créé une pression à la hausse sur les prix. La Ville a été privée d’obtenir le juste prix. L’entrepreneur n’a pas agi au mieux des intérêts de la Ville. Cette manœuvre frauduleuse a justifié la recommandation d’une déclaration d’inadmissibilité pour une durée de cinq années.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le Bureau de l’inspecteur général a mené une enquête à la suite de la réception d’une dénonciation à l’effet que l’entreprise «Les Constructions Lavacon Inc.» exigerait un escompte à ses sous-traitants lors de l’exécution des directives de changement dans le cadre des travaux d’agrandissement et réaménagement de la bibliothèque de Pierrefonds. Ces travaux s’inscrivaient dans le cadre d’un programme mis en place il y a plusieurs années visant à augmenter et améliorer l’offre de service en bibliothèque à Montréal.

À la suite de l’appel d’offres lancé le 11 janvier 2017, «Les Constructions Lavacon Inc.» fut déclarée le plus bas soumissionnaire conforme avec un montant de 20 350 614,02 $. Les travaux ont débuté au printemps 2017 pour se terminer à l’automne 2018 au cours desquels trente (30) sous-traitants ont travaillé sur ce projet sous la responsabilité de «Les Constructions Lavacon Inc.».

Dans le cadre de son enquête, le Bureau de l’inspecteur général a rencontré dix (10) sous-traitants qui ont effectué des travaux à la bibliothèque de Pierrefonds. L’enquête révèle que «Les Constructions Lavacon Inc.» a conclu avec chacun de ces dix (10) sous-traitants, une entente par laquelle ils s’engageaient à lui remettre un escompte (une «cote») de 5 à 15 % de la valeur de leurs travaux pour chaque directive de changement.

L’enquête démontre que le paiement des escomptes était fait de façon identique pour tous les sous-traitants. Lorsqu’une directive de changement était émise, les sous-traitants envoyaient leur estimation à «Les Constructions Lavacon Inc.» qui la présentait ensuite aux responsables du projet à la Ville. Une fois la soumission acceptée, Lavacon envoyait le bon de commande au sous-traitant coupé d’un montant correspondant à l’escompte inclus dans l’entente. Après avoir effectué les travaux, le sous-traitant envoyait sa facture pour un montant identique à celui inscrit sur le bon de commande.

À aucun moment, les responsables du projet pour la Ville de Montréal n’ont été mis au courant d’une telle entente et il leur aurait été impossible d’en connaître l’existence puisque les sous-traitants relevaient de la responsabilité de l’entrepreneur général. De plus, lors des directives de changement, «Les Constructions Lavacon Inc.» devait inscrire sur le formulaire prévu à cet effet dans le contrat le montant que le sous-traitant lui avait soumis pour l’exécution de cette directive de changement. Le contrat prévoyait ainsi un mécanisme pour que la Ville de Montréal puisse voir le montant qui allait être payé au sous-traitant. La méthode de paiement des escomptes permettait ainsi à «Les Constructions Lavacon Inc.» de ne pas payer la véritable valeur des travaux exécutés par les sous-entrepreneurs tout en demandant le plein paiement à la Ville de Montréal.

L’enquête démontre également que pour chacun des sous-traitants rencontrés, ces ententes ont été conclues peu après l’octroi du contrat à «Les Constructions Lavacon Inc.» par la Ville de Montréal et ont été en vigueur pendant la durée des travaux de la bibliothèque.

Les témoignages recueillis des sous-traitants durant l’enquête démontrent que «Les Constructions Lavacon Inc.» a inséré l’entente dans son contrat avec ses sous-traitants. Parmi eux, quatre (4) confirment que cette entente leur a été imposée, et ce, même si deux (2) de ces sous-traitants n’ont pas signé l’entente dans leur contrat. Par exemple, un sous-traitant explique qu’un employé de «Les Constructions Lavacon Inc.» lui a dit que l’escompte lui serait appliqué dans les bons de commande même s’il refusait de signer l’entente. Ce stratagème est inacceptable et doit être dénoncé publiquement.

Quatre (4) sous-traitants confirment avoir haussé les prix de leur estimation lors des directives de changement pour compenser l’escompte devant être consenti à «Les Constructions Lavacon Inc.». Ceux-ci ont expliqué qu’ils augmentaient le prix de leur estimation du même montant que ce qui devait être consenti à «Les Constructions Lavacon Inc.» pour les escomptes.

D’un point de vue contractuel, l’inspectrice générale conclut que la Ville de Montréal n’a pas payé le juste prix qu’elle aurait dû payer pour les travaux des sous-traitants lors des directives de changement en raison des ententes. Les actions de l’entrepreneur ont causé une augmentation des coûts pour la Ville de Montréal lors des demandes de changement. Tel qu’expliqué par un sous-traitant, l’imposition de ces escomptes a fait en sorte que presque tout son profit était perdu en raison de l’escompte qu’il devait remettre à l’entrepreneur général. Ces pertes étaient impossibles à absorber pour son entreprise, le forçant ainsi à hausser le prix de ses soumissions. 

Deux (2) de ces quatre (4) sous-traitants ont expliqué que c’est un employé même de «Les Constructions Lavacon Inc.» qui leur a dit de hausser le montant des estimations pour compenser l’escompte. À cet effet, un sous-traitant nous confirme qu’il produisait deux estimations lors des directives de changement, soit une augmentée contenant l’escompte et une non-augmentée qu’il conservait dans ses dossiers.

Enfin, en ayant ces ententes avec les sous-traitants, l’entreprise «Les Constructions Lavacon Inc.» n’a pas respecté son obligation d’agir au mieux des intérêts de son client. Ces ententes l’ont placée dans une situation de conflit entre ses propres intérêts et ceux de la Ville de Montréal puisqu’elle avait un avantage financier à ce que les directives de changement soient fait au coût le plus élevé possible en raison de la proportionnalité de l’escompte.

En conclusion, l’inspectrice générale est d’avis qu’une telle situation ne saurait être tolérée à la Ville de Montréal et que les actes de «Les Constructions Lavacon Inc.» constituent une manœuvre frauduleuse en vertu du Règlement de gestion contractuelle durant la gestion du contrat et recommande que l’entreprise soit placée au Registre des personnes inadmissibles en vertu du Règlement de gestion contractuelle pour une période de cinq (5) ans.

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