2017-09-13

Résiliation du contrat visant la reconstruction de belvédères, de passerelles et de sentiers au parc-nature du Bois-de-l’Île-Bizard (appel d’offres 16-6853), décision prononcée le 13 septembre 2017

Résumé

La résiliation du contrat avec Construction Généphi inc. est justifiée par le dépôt de faux renseignements quant à l’identité réelle du cocontractant de la Ville. Compte tenu de la valeur du contrat, une autorisation de l’AMF est nécessaire. Généphi détient une telle autorisation et a déposé une soumission en son seul nom. Elle n’a pas révélé l’existence d’une entente de coentreprise avec Congeres inc. qui ne possède pas l’autorisation de l’AMF mais qui, dans les faits, exécute le contrat.  En ne déposant pas une soumission au nom de la coentreprise Généphi-Congeres, Généphi se trouve à soustraire Congeres à l’obligation de détenir une autorisation de l’AMF. Généphi empêche ainsi la Ville et le public de s’assurer de l’intégrité du réel adjudicataire du contrat.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le Bureau de l’inspecteur général a mené une enquête suite à la réception de dénonciations à l’effet qu’une entreprise autre que l’adjudicataire réel du contrat découlant de l’appel d’offres 16-6853 exécutait les travaux sur le chantier. Les dénonciations remettaient en question le fait que cette autre entreprise puisse agir de la sorte, notamment en raison d’accusations criminelles pendantes à l’encontre du président de celle-ci.

L’appel d’offres 16-6853 a été lancé par le Service des grands parcs, du verdissement et du Mont-Royal de la Ville de Montréal pour la reconstruction de belvédères, de passerelles et de sentiers au parc-nature du Bois-de-l’Île-Bizard. Le contrat a été octroyé au plus bas soumissionnaire conforme, soit Construction Généphi inc. pour un montant de 11 284 767,25$. Compte tenu de la nature et de la valeur du contrat, tout soumissionnaire devait posséder une autorisation de contracter avec des organismes publics émise par l’Autorité des marchés financiers. Généphi possède une telle autorisation.

L’enquête a révélé que Généphi avait conclu auparavant une entente de coentreprise avec Congeres inc. Le président et actionnaire unique de cette dernière est Pascal Patrice. Celui-ci fait face à des accusations criminelles dans le dossier du Faubourg Contrecoeur et subit présentement son procès. Congeres ne possède pas d’autorisation de l’AMF et n’en a jamais fait la demande.

L’entente de coentreprise a été conclue en 2014 et détaille le fonctionnement de la coentreprise Généphi-Congeres. Le président et unique actionnaire de Généphi, Daniel Lefebvre, s’occupe du volet financier de la coentreprise : il fournit le cautionnement et le financement et s’engage à acquitter les factures que lui émet Congeres. Celle-ci est en charge de tout le volet opérationnel, de la recherche des appels d’offres, à la préparation de la soumission et à la fourniture de la main d’œuvre et du matériel pour l’exécution du contrat.

Les faits recueillis lors de l’enquête menée par le Bureau de l’inspecteur général permettent de démontrer que Généphi et Congeres ont appliqué et respecté l’entente de coentreprise tout au long de l’appel d’offres 16-6853. Pascal Patrice est celui qui a trouvé l’appel d’offres, qui s’est chargé de l’essentiel de la préparation de la soumission, dont le fait de contacter divers sous-traitants, et qui a assumé la direction des travaux sur le chantier. Il est également l’interlocuteur principal de Généphi auprès de la Ville. Pour sa part, Daniel Lefebvre a assisté à deux réunions avec des représentants de la Ville et s’est acquitté de payer les factures émises par Congeres.

L’enjeu de ce dossier tient au fait que Généphi a déposé une soumission en son seul nom, ne révélant pas l’existence de l’entente de coentreprise à la Ville. D’autres gestes posés ont créé une certaine confusion masquant davantage le rôle réel joué par Congeres dans l’exécution de l’appel d’offres 166853, dont l’utilisation de boîte courriels et de signature électronique Généphi par des employés de Congeres.

L’article 57.1.10 de la Charte de la Ville de Montréal prévoit deux conditions cumulatives pour que puisse intervenir l’inspecteur général. Celui-ci doit constater le non-respect d’une des exigences des documents d’appel d’offres ou d’un contrat, ou que des renseignements donnés dans le cadre du processus de passation d’un contrat sont faux. Il doit également être d’avis que la gravité des manquements constatés justifie la résiliation du contrat.

En ce qui concerne le premier critère, l’inspecteur général juge que le dépôt d’une soumission au seul nom de Généphi alors que le dirigeant de cette entreprise, Daniel Lefebvre, sait que le contrat sera exécuté par une coentreprise constitue un faux renseignement donné dans le cadre du processus de passation d’un contrat. En l’espèce, il s’agit d’un faux renseignement quant à l’identité réelle du cocontractant de la Ville.

Ce manquement constaté est objectivement grave pour deux raisons. Premièrement, en ne déposant pas une soumission au nom de la coentreprise Généphi-Congeres, Généphi se retrouve à soustraire Congeres à l’obligation de détenir une autorisation de l’AMF et du coup, à empêcher la Ville et le public de s’assurer de l’intégrité de l’adjudicataire du contrat. Accepter que Généphi puisse agir ainsi viendrait saper toute l’utilité et la crédibilité que peut avoir une telle autorisation dans le cadre de la lutte de l’État contre la corruption et toute autre manœuvre dolosive.

Deuxièmement, Généphi se retrouve à entacher l’intégrité du processus d’appel d’offres. Partant du fait que l’obligation de détenir une autorisation de l’AMF par le décret 796-2014 est une exigence d’ordre public, les autres soumissionnaires pouvaient raisonnablement s’attendre à ce que le réel adjudicataire du contrat rencontre lui aussi cette exigence.

En somme, l’inspecteur général est d’avis que les conditions prévues à l’article 57.1.10 de la Charte de la Ville de Montréal sont établies et il prononce la résiliation du contrat octroyé par le conseil d’agglomération le 25 août 2016 suite à l’appel d’offres 166853.

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