2016-06-20

Résiliation du contrat visant l’acquisition de 14 groupes de motopompes pour l’usine Atwater (appel d’offres 14-12725), décision prononcée le 20 juin 2016

Résumé

Un contrat a été octroyé à Xylem alors que l’entreprise ne respectait pas plusieurs exigences spécifiées à l’appel d’offres. Elle n’a pas fourni une lettre signée émise par l’un de ses clients attestant de la fiabilité des pompes proposées, tel que requis dans l’appel d’offres et a tenté à cet égard d’induire en erreur l’inspecteur général. Le système de refroidissement des motopompes proposé par Xylem ne correspondait pas non plus aux conditions du devis et une équivalence lui a été reconnue du fait que le produit demandé n’existait finalement pas. Mais l’inclusion de cette exigence est susceptible d’avoir inutilement restreint le marché. Le contrat a été résilié.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le Bureau de l’inspecteur général a mené une enquête sur le processus d’octroi du contrat adjugé par le conseil d’agglomération de la Ville de Montréal à Solutions d’eau Xylem, une division de Société Xylem Canada, le 29 janvier 2015, pour un montant maximal autorisé de 24 691 847,89 $, taxes incluses. Ce contrat a été octroyé suite à l’appel d’offres 1412725 qui visait l’acquisition de quatorze (14) groupes motopompes afin de procéder au remplacement des pompes de l’usine de production d’eau potable Atwater.

La présente décision démontre que la Ville de Montréal a octroyé le contrat à l’entreprise Xylem alors que sa soumission ne respecte pas plusieurs exigences spécifiées à l’appel d’offres. En outre, Xylem n’était pas le plus bas soumissionnaire, mais le seul à avoir été déclaré conforme suite à deux (2) analyses de conformité effectuées par SNCLavalin, la firme mandatée par la Ville pour effectuer la conception du devis et la surveillance des travaux conjointement avec la Direction de l’eau potable de la Ville. Au terme de la première analyse de conformité, aucune soumission n’a été jugée conforme parmi l’ensemble des cinq (5) soumissionnaires ayant répondu à l’appel d’offres. Un comité spécial a ensuite été mis sur pied et une deuxième analyse de conformité a eu pour résultat de ne déclarer qu’un seul soumissionnaire conforme : Xylem.

L’enquête révèle que la Direction de l’eau potable et SNCLavalin n’ont pas donné l’effet prévu au défaut de Xylem de respecter l’un des critères d’admissibilité de base pour soumissionner à l’appel d’offres. Ce critère exigeait des soumissionnaires qu’ils fournissent une lettre signée émise par l’un de leurs clients et attestant de la fiabilité des pompes. Le défaut de fournir une telle lettre a été qualifié de « nonconformité mineure » par la Direction de l’eau potable et SNCLavalin, alors que la soumission de Xylem aurait dû être rejetée. Conformément aux principes établis par les tribunaux, la Direction de l’eau potable ne pouvait pas user de sa discrétion puisque cela aurait été à l’encontre du principe de l’égalité des soumissionnaires et aurait procuré un avantage concurrentiel à l’adjudicataire, au détriment des soumissionnaires qui ont répondu de façon satisfaisante au critère, mais également des preneurs des cahiers des charges qui n’ont pas soumissionné ne se croyant pas en mesure de rencontrer le critère.

D’autre part, l’enquête démontre que la Direction de l’eau potable et SNCLavalin ont renoncé à une exigence technique jugée majeure tout au long du processus de conception du devis technique en accordant le contrat à Xylem qui proposait un système de refroidissement de l’huile à l’air ambiant, alors que le devis exigeait de façon claire un système de refroidissement de l’huile à l’air forcé. Il appert qu’il n’existait sur le marché aucun système de refroidissement de l’huile correspondant aux exigences posées dans le devis.

En fait, après qu’aucun soumissionnaire n’ait été déclaré conforme lors d’une première analyse des soumissions, la Direction de l’eau potable et SNCLavalin ont revu et réévalué certaines exigences du devis technique, pourtant clairement établies dans l’appel d’offres, et ce, une fois la période de soumission terminée et les soumissions ouvertes. L’enquête révèle que la Direction de l’eau potable et SNCLavalin ont accordé une équivalence à Xylem et se sont accommodés du système de refroidissement à l’air ambiant, car la Direction de l’eau potable ne voulait pas risquer d’annuler l’appel d’offres et de recommencer le processus en n’ayant aucun soumissionnaire conforme.

En l’absence de vérifications complètes de la disponibilité du produit exigé et en l’absence d’étude de marché formelle, sérieuse et documentée préalablement au lancement de l’appel d’offres, le processus d’appel d’offres qui a pris place n’a pas permis à la Direction de l’eau potable d’obtenir le meilleur produit au meilleur prix. Le fait d’avoir exigé un système de refroidissement à l’air forcé, alors que la Direction de l’eau potable considère aujourd’hui qu’un système à l’air ambiant suffit, est susceptible d’avoir inutilement restreint le marché et la concurrence. Dans ces circonstances, permettre à une entreprise proposant un système à l’air ambiant d’obtenir le contrat et lui reconnaître une équivalence est susceptible de rompre l’égalité des soumissionnaires et de procurer un avantage indu à l’adjudicataire.

L’inspecteur général constate également le manque de transparence à l’égard de la façon dont les critères de l’appel d’offres ont été revus lors de la deuxième analyse de conformité des soumissions, mais également à l’égard de la façon dont l’équivalence a été reconnue à Xylem. En effet, il n’existe aucun document attestant des résultats de la première analyse de conformité des soumissions ni de compte rendu détaillé des réunions permettant de comprendre les vérifications effectuées et les décisions prises.

En dernier lieu, l’inspecteur général est d’avis que les instances décisionnelles concernées n’ont  pas été en mesure de prendre une décision éclairée : des informations inexactes et incomplètes se retrouvent dans le dossier qui leur a été présenté.

Le processus qui a pris place contrevient donc aux principes fondamentaux ainsi qu’aux règles encadrant les processus d’adjudication des contrats, assurant l’égalité des soumissionnaires et l’intégrité du processus.

Au surplus, ce qui est extrêmement préoccupant dans ce dossier est la tentative de Xylem d’induire en erreur l’inspecteur général dans le cours de son enquête en lui faisant croire que l’entreprise avait fourni, dans ses documents de soumission transmis à la Ville, la lettre attestant de la fiabilité de ses pompes et exigée à l’appel d’offres.

Dans sa réponse à une première demande de renseignements et de documents formulée par l’inspecteur général dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs, Xylem a transmis une lettre datée du 10 juin 2014 comme étant celle fournie à la Ville dans sa soumission afin de se conformer aux critères d’admissibilité de l’appel d’offres. Or, suite à des démarches de vérification et de corroboration, l’inspecteur général a découvert que cette lettre n’a jamais été transmise à la Ville dans les documents de soumission de Xylem et a plutôt été émise et signée le 11 septembre 2015, soit après la signification de la demande de renseignements de l’inspecteur général.

En fait, il a fallu que l’inspecteur général use de pouvoirs supplémentaires afin de retracer au total trois (3) versions de cette lettre, toutes en possession d’un représentant de Xylem. Émises et signées les 10 et 11 septembre 2015, ces trois (3) lettres affichent cependant une date d’entête distincte : 10 juin 2014, 10 septembre 2015 et 11 septembre 2015. Il appert que Xylem a obtenu ces lettres afin de pouvoir répondre à la demande de renseignements de l’inspecteur général visant à obtenir copie de la lettre d’attestation fournie par Xylem dans sa soumission. Malgré que Xylem ait eu possession de ces trois (3) lettres, seule celle datée du 10 juin 2014, soit avant le dépôt des soumissions, a été remise à l’inspecteur général dans sa réponse à la première demande de renseignements afin de faire croire que l’entreprise s’était conformée aux exigences de l’appel d’offres.

En conclusion, l’inspecteur général est d’avis que les conditions prévues à l’article 57.1.10 de la Charte de la Ville de Montréal sont établies pour ce qui est du défaut de respecter les critères d’admissibilité de base pour soumissionner prévus à l’appel d’offres. Compte rendu de la gravité des manquements constatés relativement à l’égalité entre les soumissionnaires, à l’intégrité du processus d’appel d’offres qui a pris place et à la tentative de Xylem d’induire en erreur l’inspecteur général, ce dernier n’a d’autre choix que de prononcer la résiliation du contrat octroyé suite à l’appel d’offres 1412725.

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