Résumé
EXPOSÉ SOMMAIRE
Le 26 septembre 2016, l’inspecteur général rendait une décision dans laquelle il concluait que JeanMarc Lelièvre, président de Remorquage Taz inc., Steve Lenfesty, président de Remorquage Mobile, et Réal Tourigny, président d’Auto Cam 2000, s’étaient livrés à des ententes de nature collusoire dans le cadre de plusieurs appels d’offres visant l’adjudication de contrats pour la location de remorqueuses durant les opérations de déneigement. L’enquête avait alors permis de découvrir que ces entrepreneurs s’étaient partagés certains contrats et avaient déposés des soumissions après avoir communiqué ensemble, et avec d’autres entrepreneurs, afin de connaître leur intention respective à l’égard des contrats en appel d’offres et les prix auxquels ils désiraient soumissionner.
Puisque les entrepreneurs contrevenaient aux dispositions de la Politique de gestion contractuelle de la Ville de Montréal, laquelle fait partie intégrante des documents d’appel d’offres, l’inspecteur général a résilié de son propre chef – en vertu de l’article 57.1.10 de la Charte de la Ville de Montréal – les contrats qui étaient toujours en cours d’exécution. Au surplus, il a recommandé que les entrepreneurs soient écartés de tout appel d’offres et de la possibilité de conclure un contrat de gré à gré avec la Ville pendant cinq (5) ans. Le 21 novembre 2016, le conseil municipal de la Ville a alors ajouté JeanMarc Lelièvre, Steve Lenfesty, Réal Tourigny et leurs compagnies respectives, soit notamment Remorquage Taz inc., Remorquage Mobile et Auto Cam 2000, sur le Registre des personnes écartées en vertu de la politique de gestion contractuelle, et ce jusqu’au 25 septembre 2021.
Le Bureau de l’inspecteur général a ensuite exercé une vigie étroite des activités menées par ces entrepreneurs afin de s’assurer qu’ils ne tentent pas d’obtenir à nouveau des contrats de la Ville de Montréal. Cette surveillance a amené le Bureau à se pencher sur une série de contrats accordés par divers arrondissements, depuis la publication de la décision du 26 septembre 2016, aux entreprises suivantes qui n’avaient jamais œuvré dans le domaine du remorquage de véhicules auparavant : Excavation Anjou inc., 9499237 Canada inc. et Remorquage BL (93355139 Québec inc.).
Les faits recueillis révèlent l’existence de diverses manœuvres frauduleuses au sens de l’article 17 de la Politique de gestion contractuelle de la Ville de Montréal utilisées dans le cadre des appels d’offres 1615650 et 1615716 afin de permettre à JeanMarc Lelièvre (Remorquage Taz inc.), Steve Lenfesty (Remorquage Mobile) et Réal Tourigny (Auto Cam 2000) de continuer à obtenir des contrats de la Ville, malgré leur exclusion de la Ville.
En effet, il s’avère que Réal Tourigny (Auto Cam 2000) s’est entendu avec sa conjointe, Brigitte Lévesque, afin d’acheter les remorqueuses appartenant à Auto Cam 2000 via la compagnie Remorquage BL (93355139 Québec inc.), initialement créée et dirigée par Réal Tourigny et n’exerçant alors aucune activité économique. L’enquête démontre que l’entreprise a ensuite été acquise gratuitement par Brigitte Lévesque, en prenant soin de retirer Réal Tourigny de la liste des dirigeants et actionnaires, pour ainsi procéder à l’achat des remorqueuses et qu’elle a été entièrement financée par Auto Cam 2000 pour exercer les contrats de remorquage obtenus de la Ville.
De la même façon, Excavation Anjou inc. est une entreprise qui a été utilisée comme prêtenom au profit de JeanMarc Lelièvre et de Remorquage Taz inc. et dans les faits, c’est JeanMarc Lelièvre qui exécute les contrats de remorquage obtenus par Excavation Anjou inc., grâce à une entente intervenue avec Yvan Dubé, président et actionnaire majoritaire de cette compagnie.
Finalement, l’enquête menée par l’inspecteur général révèle que 9499237 Canada inc. est une entreprise utilisée comme prêtenom au profit de Steve Lenfesty et de Remorquage Mobile. Au surplus, l’entente intervenue entre Steve Lenfesty et Raymond Lizotte, président de 9499237 Canada inc., visait, dans les faits, à ce que 9499237 Canada inc. loue les remorqueuses utilisées pour exécuter les contrats obtenus de la Ville par Remorquage Mobile, une entreprise inscrite au Registre des personnes écartées en vertu de la PGC ne pouvant exercer de la sous-traitance sur des contrats de la Ville, contrevenant ainsi à l’article 19 de la PGC. En dernier lieu, l’enquête démontre que 9499237 Canada inc. a transmis à la Ville de Montréal à la fois de faux renseignements et des documents dont les signatures étaient falsifiées afin de dissimuler notamment le fait qu’en réalité, Remorquage Mobile agit à titre de soustraitant pour 9499237 Canada inc.
De l’avis de l’inspecteur général, les arrangements intervenus constituent de véritables manœuvres frauduleuses ayant pour objectif de masquer la réelle identité des personnes exécutant les contrats de la Ville de Montréal. Les accords conclus visaient tous à permettre aux entrepreneurs inscrits sur le Registre des personnes écartées en vertu de la Politique de gestion contractuelle de continuer leurs opérations de remorquage auprès de la Ville, via de nouvelles entreprises, comme si de rien n’était.
Les conditions cumulatives retrouvées à l’article 57.1.10 de la Charte de la Ville de Montréal sont réunies. Les soumissions déposées par Excavation Anjou inc., 9499237 Canada inc. et Remorquage BL contreviennent aux documents d’appel d’offres, plus précisément à la Politique de gestion contractuelle de la Ville de Montréal. L’inspecteur général estime que les faits révélés en cours d’enquête sont graves et démontrent de façon flagrante les manœuvres frauduleuses employées par Jean-Marc Lelièvre (Remorquage Taz inc.) et Yvan Dubé (Excavation Anjou inc.), Steve Lenfesty (Remorquage Mobile) et Raymond Lizotte (9499237 Canada inc.) ainsi que Réal Tourigny (Auto Cam 2000) et Brigitte Lévesque (Remorquage BL/93355139 Québec inc.).
Les manœuvres frauduleuses employées par les entrepreneurs ont été utilisées non seulement pour permettre aux entrepreneurs inscrits sur le Registre des personnes écartées en vertu de la politique de gestion contractuelle de continuer à obtenir des contrats de la Ville, mais pire encore, ces manœuvres leur ont permis de réobtenir les secteurs de remorquage qu’ils s’étaient vu accorder et dont les contrats avaient été résiliés suite à la décision de l’inspecteur général du 26 septembre 2016. Les gestes posés par les entrepreneurs constituent un véritable affront aux décisions de l’inspecteur général, mais également aux mesures mises en place par la Ville de Montréal.
De l’avis de l’inspecteur général, les faits révélés par l’enquête justifient, sans aucun doute, la résiliation de tous les contrats octroyés par la Ville à Excavation Anjou inc., 9499237 Canada inc. et 93355139 Québec inc., mais également que ces compagnies, ainsi qu’Yvan Dubé, Raymond Lizotte et Brigitte Lévesque, de même que toutes les entreprises auxquelles ils sont liés, soient écartés de tout appel d’offres et de la possibilité de conclure des contrats de gré à gré avec la Ville pendant une période de cinq (5) ans.
L’inspecteur général déplore le fait que la Politique de gestion contractuelle ne prévoit pas de sanction supplémentaire applicable lorsqu’une personne qui est déjà écartée de la possibilité de conclure des contrats avec la Ville commet, pendant sa période d’exclusion, de nouvelles manœuvres contraires aux dispositions de la politique. L’inspecteur général constate au surplus que JeanMarc Lelièvre, Steve Lenfesty et Réal Tourigny n’étaient pas soumis à la Politique de gestion contractuelle dans le cadre des appels d’offres 1615650 et 1615716, puisqu’ils ne sont pas considérés comme étant des « personnes liées » aux entreprises adjudicatrices au sens de la politique.
L’inspecteur général recommande ainsi activement à la Ville de Montréal d’entreprendre une nouvelle révision de la Politique de gestion contractuelle et d’évaluer les recours et sanctions possibles contre JeanMarc Lelièvre, Steve Lenfesty et Réal Tourigny.